- SELECTION RENTREE LITTERAIRE APDL -
Amélie Nothomb, romancière belge qu’on ne présente plus, est présente chaque année pour la rentrée littéraire. 2021 voit sortir son 30ème roman, Premier sang.
« On me conduit devant le peloton d’exécution. Le temps s’étire, chaque seconde dure un siècle de plus que la précédente. J’ai 28 ans… ».
C’est avec cet incipit à la première personne que le narrateur, personnage principal prend la parole et présente le décor qui sera celui de la fin du roman.
Premier sang évoque un fait historique réel qui s'est terminé en Novembre 1964, la rébellion Simba au Congo, par l’intervention de troupes parachutistes de l’armée belge.
Arrivé pour représenter la Belgique, une semaine avant l'arrivée des rebelles, à Stanleyville (aujourd'hui Kisangani dans la République du Congo), un jeune consul à peine âgé de 28 ans va négocier durant quatre mois avec les rebelles dans ce qui a été la plus grande prise d'otages - 1600 personnes- dont il faisait partie. Il va par son courage et l'intervention des paras belges permettre de sauver la vie de la majorité des otages.
Ce jeune Consul, c’est Patrick Nothomb, le père d’Amélie, l’auteure.
Au travers d’un homme qui revoit sa vie alors qu’il est devant le peloton d’exécution, Amélie Nothomb rend ici un bel et vibrant hommage à son père, décédé au Printemps 2020 pendant la pandémie de Covid-19.
Ce roman à la fois très court (170 pages) et très dense se découpe en deux parties : l'enfance d’abord, qui va être l’occasion de découvrir la tribu Nothomb, puis une seconde partie plus courte, celle de la diplomatie, métier qu’exerçait le père de l’auteure.
Patrick est élevé par ses grands-parents maternels. Sa mère, jeune veuve de Pierre Nothomb, officier de l’armée belge, ayant peu l’instinct maternel, préfère les mondanités de la bonne société belge. Il est choyé et dorloté comme un petit prince. A la demande de Bon Papa (son grand-père maternel), général en retraite, il va passer ses vacances au Pont d'Oye chez son autre grand-père, le baron, aristocrate désargenté, poète paternaliste et farfelu qui vit dans un château au cœur de la forêt des Ardennes avec sa seconde femme et une nombreuse tribu d'enfants, ses oncles et tantes. Patrick va y découvrir une vie qui l’enchante malgré sa dureté, et ne rêve que d’y retourner à chaque vacance. Il y découvrira aussi la poésie de son grand-père et malgré la rudesse de ces séjours, une certaine bienveillance.
L'auteure a sans doute exagéré la réalité de la vie à Pont d’Oye mais la vie décrite autour du baron Nothomb est saisissante, dure, mais décrite avec un tel détachement humoristique qu'elle fait plus sourire qu'elle n'émeut. C’est là tout le talent de l’auteure que de faire passer un mode de vie excentrique, qui tourne autour de la personnalité du grand-père, les enfants étant livrés à eux-même.
Dans la seconde partie, une fois ses études terminées, et s’être battu avec le baron pour pouvoir épouser sa femme, la prise de poste de Patrick comme consul à Stanleyville (et sa gestion de la prise d'otages) constitue un autre pôle important du roman avec une description détaillée des négociations également décrites avec un détachement qui en accentue l'aspect dramatique et rend hommage à l'importance de la diplomatie et au moment d’histoire que son père a vécu.
Dans ce roman, on sent l'amour et l'admiration qu'elle éprouvait pour son père mais comme toujours, avec une paradoxale neutralité, elle n'en fait jamais trop. Une tendresse transparait à travers ses mots, pour ce père disparu aujourd'hui et qui par ses écrits laissent une trace, une volonté de ne pas oublier d'où elle vient.
La plume est toujours aussi soignée, belle, délicate, précise et la manière dont Amélie Nothomb nous conte son histoire toujours aussi merveilleuse et envoutante. La fluidité de l’écriture rend le livre agréable à lire.
Un livre tendre, émouvant, comme un ultime message d’amour à l’homme de sa vie.
Bonne Lecture
Pascal Francois
Premier sang – Amélie Nothomb – Albin Michel – 08/2021 - 170 pages
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