Dans son dernier roman Berlin Requiem qui vient de paraître en Septembre dernier aux éditions Plon, Xavier-Marie Bonnot, écrivain, réalisateur, passionné de musique classique entraine le lecteur à la rencontre de Wilhelm Furtwängler, l’un des plus grands chefs d’orchestre occidentaux du xx° siècle qui dirigea de 1922 à 1954 le Grand Orchestre Philarmonique de Berlin.
Dans ce récit historique romancé, l’auteur mélange des personnages de fiction Christa Meister et son fils Rodolphe, à des personnages historiques, Wilhelm Furtwängler, et le régime nazi par l’intermédiaire de ses principaux représentants, Goebbels, Himmler, et Hitler lui-même.
Dans ce livre, Xavier-Marie Bonnot retrace la vie du Chef d’orchestre de 1932 à sa mort en 1954, au travers de la complexité de ses relations avec le régime nazi, et des difficultés rencontrée en 1945 lors des commissions de dénazification, tout en explorant le génie musical du Maestro.
Berlin, 1933, Les nazis sont au pouvoir depuis quelques mois et ont décidé de faire de la musique classique allemande un instrument de propagande au service de leur gloire. Wilhelm Furtwängler est au sommet de la sienne, reconnu mondialement. Les dignitaires nazis et Hitler lui-même vont utiliser le chef d’orchestre, le nommant a des postes prestigieux du régime afin qu’il symbolise le renouveau germanique.
Pour le chef d’orchestre, la musique est bien au-dessus de la Politique. Elle n’a rien à voir avec elle. Oui mais voilà, les nazis dépossèdent peu à peu les artistes de leur art. La culture, la musique deviennent progressivement politiques. Les musiciens juifs sont exclus des orchestres, n’ont plus le droit de travailler. Les compositeurs juifs ne peuvent plus être joués en concert.
Wilhelm Furtwängler, ouvertement non nazi, démissionne de tous ses fonctions dont la plus prestigieuse, celle du Philharmoniker de Berlin, où il n’est plus que chef invité. Il aide certains de ses musiciens à fuir le régime, s’oppose comme il le peut à Goebbels, son ministre de tutelle, sans pour cela aller jusqu’au bout de sa démarche : quitter le pays. Il restera en Allemagne jusqu’à l’effondrement du régime.
Un régime qui se joue de lui, lui imposant d’interpréter la 9ème symphonie de Beethoven pour l’anniversaire du Führer. Interprétation qu’il jouera avec son orchestre devant une chaise vide, Hitler ne s’étant pas déplacé…
Christa Meister, cantatrice de renommée internationale, est une proche de Wilhelm Furtwängler. Elle vole de concerts en concerts, laissant son fils Rodolphe grandir auprès de sa nurse Rosa. Ouvertement anti-nazie, elle finit par quitter l’Allemagne, le régime lui ayant trouvé un ascendant d’origine juive… Elle vient s’installer en France avec Rodolphe croyant y trouver refuge. Elle sera rattrapée par son destin, arrêtée par le régime de Vichy, et se retrouvera au camp d’Auschwitz…
L’ouvrage nous fait revivre les événements essentiels de cette sinistre période au travers du regard du Chef d’orchestre, de Christa Meister et du jeune Rodolphe : l’incendie du Reichstag, la nuit des longs couteaux, la nuit de cristal, la rafle du Vel d'Hiv, l’horreur des camps de concentration et l’évocation de l'orchestre de femmes du camp d'Auschwitz. On découvre un enfant admiratif devant la force et la puissance des nazis, une femme intellectuellement opposée au régime qui en subira toute la dureté, un homme au sommet de sa gloire, aristocratique dans l’âme, très-trop sûr de lui, de ce qu’il croit représenter.
Arrive le temps de la victoire pour les Alliés, et du déshonneur pour Wilhelm Furtwängler. Sa vie ne sera plus qu’un long chemin de croix jusqu’en 1954. Arrêté, jugé par les tribunaux de dénazification, il ne sera pas condamné, mais le mal est fait. Il lui est reproché d’être resté en Allemagne jusqu’au dernier jour, d’avoir été le pantin d’un régime fou. Il retrouvera certes son honneur mais pas la gloire ! Nul n’est prophète en son pays…
Un très beau livre ou la musique est omniprésente, car elle habite les principaux personnages, fictifs, ou réels. On entend Wagner, Beethoven, les vibratos des violons et les résonnements des percussions.
Belle lecture !
Pascal Francois
Berlin Requiem – Xavier-Marie Bonnot – Ed Plon – 09/2021 – 368 pages
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