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Photo du rédacteurPauline Julou

Carrefour des veuves - de Monique Ilboudo


L’œuvre de Monique Ilboudo est avant tout une rencontre. Une rencontre avec ses nombreux personnages, tous plus authentiques les uns que les autres, une rencontre avec un continent en proie aux difficultés et à la terreur mais aussi à la solidarité et à l’amour et enfin une rencontre avec son écriture d’une fluidité sans pareil.


J’ai passé un moment d’une grande émotion à lire ses lignes.


On se situe entre plusieurs pays en Afrique, mais plus particulièrement dans la région du Sahel, là où la politique fait des ravages, là où l’eau manque, là où les hommes se divisent, là où les femmes souffrent et se rassemblent. Nous faisons la rencontre de Tilaine, de sa famille, de ses amies et Monique Ilboudo nous narre tel un conte la vie de cette dernière qui bien que douloureuse et emplie d’épreuves, semble s’articuler autour de la bienveillance et de la solidarité.


De nombreux personnages animent le roman et nous en croisons de nouveaux à chaque chapitre. Il semblerait que chacun d’entre eux aient une histoire à nous raconter, une morale à nous transmettre. L’auteure sait comment les mettre en lumière, même les plus malhonnêtes d’entre eux. On vit à leurs côtés leurs épreuves ainsi que leurs joies, aussi fugaces soit elles. Certains personnages comme celui de Noura nous submergent d’émotions. Je pense notamment à deux passages du roman en particulier que je conseillerais à tout lecteur tant ils sont émouvants et bien amenés. J’ai été d’abord inondée par beaucoup de douceur, de gratitude mais également par beaucoup de tristesse et d’un sentiment d’injustice en les lisant. L’aura des personnages est puissante et l’auteure sait comment transmettre leurs émotions. C’est comme si le lecteur vivait les sentiments de ses personnages en direct.


Tilaine, femme d’Isma est mère de deux garçons, Romaric et Thibaud. Dès les premières pages du roman, on comprend qu’elle est veuve d’Isma et que c’est le plus grand drame de sa vie. Un amour infini qui ne s’éteindra jamais, même au delà de la mort. Nous accompagnerons, tout au long du roman, Tilaine au cours de ses épreuves, ses choix et notamment celui de créer une association qui viendrait en aide à toutes les femmes éplorées et ayant vécu l’horreur, comme elle.


« Nous étions à Bamako pour fédérer notre mouvement avec ceux constitués par les femmes d’autres pays du Sahel. (…) Les femmes sont les premières victimes de la terreur aveugle qui endeuille la région. Victimes dans leurs corps, elles le sont aussi dans leur cœur de veuves et de mères éplorées. Il y a tant de manières de soumettre les femmes, de les assassiner ! Depuis toujours, elles sont le butin des guerres illégitimes que mènent les hommes par orgueil, par cupidité, par bêtise ! Depuis toujours, elles sont enlevées, partagées, violées, réduites en esclavage sexuel. Les expéditions terroristes dans le Sahel n’y font pas exception. Ici aussi, le corps des femmes est un immense champ de bataille qu’on vandalise allègrement. »


Le roman incarne le cheminement de Tilaine pour s’affirmer dans son nouveau rôle, dans sa nouvelle quête de justice et de paix au sein de son association. Son chemin se fera dans la douleur et ses amies, que nous apprendrons à connaître, seront d’un grand soutien pour elle. Il s’agit en quelques sortes d’un roman initiatique où le protagoniste avance, apprend, souffre, et comprend finalement le sens de tout ce qu’il a enduré jusque là.


« Sa mère disait que les larmes sont comme le sang d’une blessure. Il vaut mieux que ça coule dehors que dedans. »


On se rendra vite compte dans le roman que cette affirmation a tout d’un fait réel. Et bien que le roman, sans langue de bois, sans artifice et sans pathos nous montre la dure réalité, il n’en demeure pas moins vrai que l’espoir ne meurt jamais. Tant qu’une personne se tiendra debout, l’espoir demeurera.


Un grand merci aux éditions Les Lettres Mouchetées et à l’auteure Monique Ilboudo pour cette très belle découverte.


Pauline Julou


Carrrefour des veuves - Monique Ilboudo - Les lettres mouchetées - 09/2020 - 160 pages

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1 Kommentar


Béatrice Bernier-Barbé
Béatrice Bernier-Barbé
26. Okt. 2021

Merci pour cette chronique qui me permet de découvrir ce roman que je ne connaissais pas.

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