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Photo du rédacteurEric Le Ker

Chroniques Martiennes - de Ray Bradbury


Quel plaisir de chroniquer ce merveilleux livre qui m’accompagne depuis plus de 30 ans.


Publié pour la première fois en 1950, ce recueil de nouvelles est un patchwork d’écrits publiés entre 1945 et 1950, et complétés par de nouvelles histoires.


Ce recueil est, avec Farenheit 451 paru en 1953, le sommet de l’œuvre de Ray Bradbury, qui écrira également des pièces de théâtre, et, fait moins connu, des scénarios de films dont le monumental Moby Dick de John Huston (1953).


Les chroniques martiennes racontent l’histoire de l’arrivée des terriens sur mars.


Cette planète est peuplée par des êtres à « la peau cuivrée, les yeux pareils à des pièces d’or et la voix délicatement musicale » qui « aimaient peindre des tableaux au feu chimique, se baigner dans des canaux aux saisons où les arbres à vin les gorgeaient de liqueur verte et bavarder jusqu’à l’aube près des portraits aux phosphorescences bleues dans le conversoir ».


Cette brillante civilisation (très inspirée par l’Egypte antique comme le reconnaît volontiers l’auteur) a réussi à « mêler religion arts et science…ils n’ont jamais laissé la science écraser l’art et la beauté ».


De science il n’en d’ailleurs que peu question dans cet ouvrage : les engins spatiaux ne sont que « fusées argentées et « flammes rouges », les véhicules martiens ont des formes d’insecte constellées de pierreries se déplaçant en silence et avec grâce.


De beauté beaucoup plus : les martiens ont un profond sens de l’esthétisme, du temps qui passe, de la splendeur de leur planète désertique. Ils ont développé des pouvoirs mentaux très supérieurs, notamment la télépathie.


Les terriens fuient une planète stressée par la surpopulation, la recherche du profit, les guerres, la volonté de dominer…


La rencontre de ces 2 mondes s’effectuera progressivement. Les premières expéditions terriennes échoueront pour des raisons diverses et imprévisibles : un mari jaloux, un médecin convaincu d’avoir affaire à une illusion mentale, une machination affective, un membre de l’équipage tombé amoureux de la planète…


Quand enfin l’homme parviendra à prendre pied sur la planète, la civilisation martienne sera déjà éteinte victime du…virus de la varicelle.


Mais il est déjà trop tard, la terre va disparaître dans une apocalypse nucléaire, et seuls quelques terriens resteront finalement sur mars, seule planète encore peuplée de l’univers connu.


Tout au long de ces nouvelles, Bradbury déploie une écriture d’une grande poésie, restituant à merveille l’enchantement du monde martien pur et vierge des souillures réservées à notre planète. Il aborde tous les grands sujets politiques, philosophiques, sociaux, et même spirituels de son époque, avec un parfait mélange de profondeur dans la réflexion, et de légèreté dans le style.


Certaines nouvelles sont de pures merveilles. Voici mes préférées :

  • Ylla : comment un mari jaloux des rêves télépathiques et adultères de son épouse met fin à la première expédition terrienne avec un fusil à abeilles.

  • La troisième expédition : à leur arrivée sur mars, les 17 membres d’équipage retrouvent des lieux ou des êtres chers qu’ils croyaient à jamais perdus. Chacun part avec les siens abandonnant la fusée, les consignes et toute prudence élémentaire…

  • Et la lune toujours brillante : les martiens ont tous succombé à une épidémie de varicelle importée de terre par une précédente expédition. Spender, l’archéologue du groupe, subjugué par la civilisation qu’il découvre, décide alors de devenir lui-même un martien et de s’opposer à ses compagnons de voyage.

  • Rencontre nocturne : un dialogue hors du temps entre un martien qui ne sait pas encore que son monde est condamné, et un colon fraîchement installé. Moment magique et nostalgique, chemins qui ne se croiseront plus.

  • Usher 2 : Les hommes ont importé sur mars leur monde dystopique. Les livres faisant appel à l’imaginaire et au fantastique sont censurés et détruits. Un original fortuné, Williams Stendhal, construit sur mars une réplique de la maison Usher D’Edgar Alan Poe, afin d’y piéger les zélés fonctionnaires. Il les élimine un à un, profitant de leur méconnaissance des livres qu’ils ont brûlés : « …je vous fais ça parce que vous avez brûlé les livres de M. Poe sans les avoir vraiment lus (…) sinon vous auriez compris ce qui vous attendait quand nous sommes descendus ici tout à l’heure ». Cette nouvelle préfigure bien entendu Fahrenheit 451, chef d’œuvre sorti 3 ans plus tard.

  • Le pique-nique d’un million d’années : fraichement arrivé sur mars avec femmes et enfants, un père les emmène en promenade dans les ruines d’une antique cité, en leur promettant de leur montrer des martiens avant la fin de la journée. Au crépuscule, il les conduit au bord d’une rivière où ils peuvent admirer leur reflet dans l’eau.

Il ne vous reste plus qu’à embarquer à votre tour dans la fusée argentée de Ray Bradbury, vous deviendrez aussi un peu martiens.


Eric Le Ker


Chroniques martiennes - Ray Bradbury- (édition originale Denoël 1954) - nouvelle édition Denoël - 10/2019 - 320 pages

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