La disparition de Josef Mengele, second roman d’Olivier Guez, journaliste, est un livre fort, historique et biographique sur la longue cavale sud-américaine du tristement célèbre Médecin Chef d’Auchwitz-Birkenau.
Un livre qui a juste titre, a été récompensé par le Prix Renaudot 2017.
Olivier Guez a tout lu sur Mengele, a fait des recherches historiques et a enquêté pendant 3 ans, se rendant en Allemagne, en Argentine, au Paraguay et au Brésil sur les dernières traces du criminel de guerre.
Ses investigations et sa plongée dans l'après-guerre, nous font découvrir une Amérique du Sud, et plus particulièrement l’Argentine où les anciens nazis étaient accueillis à bras ouverts par le Colonel Juan Peron, le père de la révolution péroniste. Celui-ci rêvait de grandeur dans une troisième voie entre Etats-Unis, et URSS, persuadé que la guerre froide entre les deux pays allait dégénérer et qu’il pourrait être un recours.
1949, Mengele, quitte l’Allemagne pour l’Amérique du Sud, aidé par un réseau nazi et la croix rouge internationale. Depuis 3 ans, n'ayant pas été recensé comme criminel de guerre par les américains, il vivote en Allemagne, mais sa famille, une puissante et riche famille industrielle, préfère le voir s’éloigner par peur que ne remonte à la surface son passé, risquant de ternir la réputation de la famille. Pendant des décennies, elle le financera dans ses diverses pérégrinations en Amérique du Sud.
Le roman d’Olivier Guez, si il ne répond à la question que l’on se pose - comment un homme lambda peut se transformer selon certaines circonstances, en un monstre sans pitié - arrive par petites touches à nous dépeindre le destin funeste d'un homme qui jamais ne renia ses idéaux, un homme veule, lâche, méchant, cruel, jaloux.
Celui que l'on surnomma l'ange de la mort ne fut en effet qu'un monstre banal, l'un des rouages d'un système infernal qui mit le monde à feu et à sang durant la seconde guerre mondiale. Le médecin sanguinaire a disséqué, brûlé et torturé des enfants et a fait subir des atrocités innommables à des milliers des personnes « au nom de la science et de la recherche ».
Le roman est passionnant car il reste au plus près de Mengele. le lecteur partage les affres, la souffrance et les multiples déceptions d'un homme traqué, un homme que la presse internationale décrivait comme insaisissable, vivant dans le luxe alors qu'il errait chichement dans des fermes puis dans une cabane insalubre dans les faubourgs de Sao-Paulo.
Le livre est documenté, précis, les multiples complicités dont bénéficia Mengele font froid dans le dos : le régime Péroniste, sa famille, riches industriels bavarois, toute une flopée de nostalgique du troisième reich. Grâce à ces nombreux facteurs mais aussi à la situation politique internationale, le médecin d'Auschwitz ne fut jamais capturé et mourut sur une plage brésilienne à l'âge de 68 ans, sans avoir eu à répondre de ses actes.
Olivier Guez nous montre comment le Mossad est souvent "à ça" de mettre la main sur Mengele mais que, conflit israëlo-arabe oblige, ses agents sont monopolisés sur d'autres fronts. Et donc tant pis pour Mengele. Il nous fait découvrir que les services secrets ouest-allemands infestés d'anciens nazis n'ont tout simplement rien fait avant les années 1980, allant même à la fin des années 50 lui délivrer des documents d'identité ouest-allemands. !
Il fallait que cette génération de monstres disparaisse pour qu'un douloureux travail de mémoire officiel puisse commencer.
Avec cet ouvrage, à l’écriture fluide, factuelle, Olivier Guez réalise un formidable travail d’information et de mémoire, utile à nos générations pour se souvenir et retenir « Plus jamais çà ! »
Pascal Francois
La disparition de Josef Mengele – Olivier Guez – Editions Grasset – 08/2017 – 240 pages
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