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Leafar Izen - interviewé par Pascal François


APDL : Bonjour Leafar Izen, je crois savoir qu’avant de vous lancer dans la littérature, vous avez eu mille et une vie, dont celle peut-être la plus étonnante d’ouvrir des chambres et tables d’Hôtes en Patagonie pendant 7 ans. Vous pourriez en dire un plus à nos lecteurs sur votre parcours de vie car je crois que vous avez également un diplôme d’Ingénieur. Et quelle est votre vie d’aujourd’hui ?


LI : Effectivement, j'ai commencé par une quinzaine d'années comme ingénieur informatique à Paris. Ce n'était vraiment pas ma tasse de thé. A 35 ans, j'ai tout plaqué pour tenter l'aventure en Amérique du Sud. J'ai tenu durant 7 années un Bed & Breakfast, au Chili, dans la région des lacs, entre les volcans Osorno et Calbuco. C'est un endroit magnifique où j'ai gardé un pied à terre et où je vis encore une partie de l'année. Ce fut une très belle aventure à tous les niveaux et c'est là-bas qu'est née ma fille. Mais en 2015, ledit volcan Calbuco est entré en éruption. On a tout juste eu le temps de sauter dans la voiture avant que ne pleuvent les scories. L'expérience m'a profondément marqué et, dans les mois qui ont suivi, j'ai commencé à écrire.


Aujourd'hui je partage mon temps entre la Lozère et la Patagonie chilienne. Je jardine et je « pota-gère », je bricole des maisons, je passe du temps avec ma gamine, j'écris, je pratique la photo et l'astrophoto...


APDL : On dit souvent que les écrivains avant de passer à l’écriture, étaient de grands lecteurs. Avez-vous été, êtes-vous toujours un grand lecteur ? Et lorsque vous étiez plus jeune quelles étaient vos lectures favorites ?


LI : Je suis « tombé » dans la lecture grâce à Tolkien, à l’âge de 10 ans. J'ai pas mal lu jusqu'à 20 ans, du fantastique comme des classiques. Durant mes années parisiennes, j'étais davantage occupé à faire la fête qu'à lire, mais depuis une quinzaine d'années je lis à nouveau beaucoup, tout style de livres.


APDL : Passer de la lecture à l’écriture n’est pas un acte anodin. Qu’est-ce qui a déclenché chez vous cette envie ?


Il me semble que j'ai toujours eu dans un coin de ma tête ce désir d'écrire. J'ai toujours observé le monde comme si je savais qu'un jour il me faudrait décrire l'effet qu'il me fait. En 2015, après l'éruption du volcan, j'ai senti que le moment était venu et « ça » s'est mis à écrire, presque de façon automatique. De la poésie pour commencer, puis L'Hypothèse du Tout, cet essai de (méta)physique... Il faut dire que, à cette époque, mes certitudes matérialistes ont pris un sacré coup sur la tête et qu'il me fallait reconsidérer complètement mes conceptions existentielles. Et l'écriture peut aider en cela.


APDL : Avez-vous besoin d’un long travail préparatoire avant de passer à l’écriture pour construire le roman, les personnages, ou bien l’histoire du roman avance-t-elle avec vous au fil de l’écriture ?


LI : A la genèse d'un livre, il y a une idée clé ou un tropisme. Ça qui surgit un beau matin, ou un soir... Ensuite, je laisse l'histoire s'inventer autour de cette idée, sans plus de préparation. Pour La Marche du Levant, lorsque s'est imposée l'idée de cette terre où le jour dure 300 ans, j'ai d'abord élaboré un scénario assez détaillé. Finalement, je ne l'ai pas suivi, j'ai laissé l'histoire m'emmener là où bon lui semblait. Je n'aime pas écrire sur un chemin trop balisé. Je préfère que l'histoire s'invente au fur et à mesure comme dans un rêve éveillé. Il me semble que c'est ce qui est intéressant en art en général : laisser l'inconscient remonter à la surface.


APDL : L’écriture est-elle pour vous un jardin secret, ou bien est-ce quelque chose que vous partagez facilement avec votre entourage. ?


LI : La lecture et l'écriture sont des passions. J'aime partager mes passions. J'en parle donc très volontiers avec celles et ceux que ça intéresse, mais j'évite de barber ceux qui ne partagent pas la passion des livres.


APDL : Votre terrain de jeu littéraire semble très éloigné de notre monde réel. Qu’est-ce qui vous attire dans la quête de mondes imaginaires ? Est-ce la possibilité de laisser une part plus grande à l’imagination ?


LI : Effectivement, la littérature imaginaire offre une liberté totale. C'est un genre qui met entre parenthèse l'impératif de crédibilité. Cependant, l'imaginaire, à sa façon, permet de dire beaucoup de chose sur notre monde « réel ». Dans la Marche du Levant, on comprend à la fin qu'il y a clairement une dimension écologique qui concerne notre époque.


Dans Le Courage de l'Arbre, mon prochain roman à paraître, l'histoire se situe dans un futur très très lointain, dans divers mondes de notre galaxie, mais pas sur terre. Pourtant il s'agit bel et bien d'une métaphore de notre présent. De toute manière, un auteur de fantastique aura beau faire tous les efforts qu'il veut, pourra-t-il parler d'autre chose que de son présent. Les récits futuristes ne disent pas le futur, ils disent les peurs et les espoirs que leurs auteurs et leur époque placent dans le futur.

Cependant, je n'écris pas que de la fiction. J'ai également publié L'Hypothèse du tout et La Révolte du Ressentant, deux essais de « gonzo-philosophie » qui s’intéressent à des enjeux existentiels intemporels donc actuels.


APDL : La Marche du Levant n’est pas votre premier roman. Vous avez publié en 2018 aux éditions du bord du Lot, Grand Centre, un roman d’anticipation mi roman policier mi thriller. L’histoire se déroule dans une zone sécurisée qui est une pâle imitation du monde d’avant où vivent reclus des citoyens. Quel sens vouliez-vous donner à cette histoire ?


LI : Ce roman a une histoire en deux temps. Sa première version a été écrite en 2007. L'histoire était déjà là, mais c'était abominablement mal écrit. Je l'ai réécrit en 2015, et il me semble que c'est devenu un assez bon petit roman.


2007, c'est l'époque à laquelle je plaquais Paris pour m'aventurer « into the wild ». Sur le moment, je ne m'en suis pas rendu compte, mais à postériori, je vois bien que ce roman sonne comme mes adieux à la ville et à ma vie « d'homo festivus », pour reprendre une expression de Philippe Muray. Il dit aussi mon embarras face à une nature abimée, la possibilité d'un monde à deux vitesses... Dans Grand Centre, on ne dit jamais dans quel pays et quel siècle se déroule l'histoire, mais on devine qu'il pourrait s'agir d'un pays comme la France au XXIe siècle..


On pourrait également y voir une référence à l'holocauste et à la seconde guerre mondiale, car on y devine cette question : comment recommencer à vivre et comment reprendre foi en l'Homme après une époque de barbarie ?


APDL : Venons-en à La Marche du Levant, publié en octobre 2020 chez Albin Michel, qui va faire en parallèle de cette interview, l’objet d’une chronique dédiée. Comment vous est venue l’idée d’une terre qui tourne au ralenti ? Et là encore quel sens donnez-vous à cette histoire ?


Je suis passionné d'astronomie. Vous avez certainement remarqué que notre satellite, la Lune, nous montre toujours la même face. Il y a une explication scientifique à cela, mais un soir, j'ai songé : qu'est-ce que ça donnerait si la terre en faisait autant dans sa course autour du soleil. On aurait un hémisphère brulé par un jour sans fin, un autre plongé dans une perpétuelle nuit de glace. Quelques mois après l'écriture de La Marche, je suis tombé sur un papier scientifique qui évoquait l'existence de telles planètes. Ils appellent ça « eye ball planet », parce que la glace autour de la zone irradiée leur donnerait un aspect de globe oculaire. Ce serait des mondes potentiellement propices à la vie, car on y trouverait tous les climats. Mais je ne suis pas allé vérifier.


Dans La Marche Du Levant, la terre continue de tourner sur elle-même, mais si doucement, qu'une journée dure 300 ans, ce qui contraint ses habitants à une nomadisme lent.


Ça m'est difficile de trop épiloguer sur le ou les sens que je trouve à cette histoire sans « divulgacher ». Mais à travers cette malédiction qui force les hommes à toujours avancer pour revenir inéluctablement à leur point de départ, on peut voir une métaphore de toutes l'aventure humaine...


APDL : Je crois savoir qu’un troisième roman, toujours avec les éditions Albin Michel est en préparation. Vous pouvez nous en dire quelques mots.


LI : Effectivement, j'ai terminé en janvier 2020 un troisième roman qui paraîtra en mai 2022, si la terre ne s'arrête pas de tourner : Le Courage de l'Arbre. Cette fois, nous sommes propulsés dans un futur très lointain. L'humanité, siècle après siècle, s’est répandue à travers la galaxie. Les temps de voyage sont encore longs, en revanche, tous les habitants de ces mondes sont connectés en temps réel par « l'Egrégore », une sorte de réseau « 1000 G »... Advient un désastre de type pandémie, mais toute ressemblance avec notre présent est totalement fortuite, l'histoire s'est écrite avant. A postériori, il me semble que la question centrale de ce roman, c'est celle de la conscience sensible, du « ressentant ». Ça explique pourquoi j'ai eu envie de pousser cette question dans ses retranchements cette année, dans un essai intitulé « La Révolte du Ressentant ». J'en profite pour signaler que cet essai est disponible gratuitement sur le site leafar-izen.com, une bonne mise en bouche en attendant le roman, si vous n'êtes pas allergique à la philo, ça se lit assez facilement.


APDL : Au Plaisir de Lire a aussi son Questionnaire de Proust littéraire. Voulez-vous vous prêter au jeu de nos 5 questions ?

  • Quel est votre livre préféré ? Si vraiment il n'en faut garder qu'un... Les Pensées de Blaise Pascal.

  • Quel livre regrettez-vous de ne pas avoir lu ? A la Recherche du Temps Perdu. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, mais je m'endors dessus à chaque fois.

  • Quel est votre auteur préféré ? Je ne peux pas m'en tenir à un seul... C'est trop cruel. Saint-Exupéry, Romain Gary, Camus, Giono, Jaworsky...

  • Quel livre conseillerez-vous en ce moment à lire ? Et bien, pourquoi pas celui qui m'a été recommandé par Gilles Dumay, mon éditeur et que je termine en ce moment : Le Livre Écorné De Ma Vie, Lucius Shepard. Très réussi au niveau atmosphère. Ça évoque un peu ce film d'Allan Parket, Angel Heart...

  • Si votre prochain livre devait être le dernier, quel thème voudriez-vous évoquer ? On ne sait jamais quel livre sera le dernier. Mais je sais déjà ce que j'ai envie de raconter dans le prochain. L'idée s'est présentée il y a peu, je l'attendais avec impatience.


Leafar Izen tout d’abord un grand merci pour cette interview qui va permettre aux lecteurs de mieux vous connaître, de découvrir. Et nous vous donnons rendez-vous pour une chronique de votre prochain roman en fin d’année !


Merci à vous pour votre intérêt et pour ce que vous faites pour les livres et leurs auteurs.



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