top of page
  • Photo du rédacteurPascal Francois

Les impatientes - de Djaïli Amadou Amal - Prix Goncourt 2020 des Lycéens


L’attribution du Prix Goncourt des Lycéens est toujours intéressante à suivre de par la typologie des lecteurs (2000 lycéens sélectionnés à travers la France) et pour les choix novateurs qu’ils font, offrant ainsi une ouverture sur de nouveaux horizons littéraires.


L’édition 2020 en est le parfait exemple. Djaïli Amadou Amal, auteure camerounaise reconnue sur le continent africain, avec plusieurs prix littéraires africains à son actif, n’avait jamais percé en France.


C’est grâce au travail culturel de la Fondation Orange que ce livre, dont la parution initiale remonte à 2017 au Cameroun, a pu être publié en France. L’ouvrage avait d’ailleurs reçu en 2019 le Prix Orange du livre en Afrique (1).


Les Impatientes, roman inspiré de faits réels, raconte, sous forme d’un roman à trois voix, l’histoire de trois jeunes femmes, Hindou, Ramla, et Safira, confrontées aux traditions maritales du peuple Peul auxquelles elles appartiennent. Des traditions ancestrales qui perdurent encore aujourd’hui car ce roman parle du présent au Cameroun…


Hindou et Ramla, demi-sœurs, vivent dans les appartements de leurs mères, au sein de la même concession, leur père étant polygame. Il a décidé de les marier sans leur demander leur avis, ni celui de leurs mères respectives. C’est le rôle du père de marier ses filles et de choisir le futur mari.


Hindou sera mariée à un cousin, le fils d'un de ses oncles, un jeune homme désœuvré et violent qui la battra. Ramla, elle, sera mariée à Issa un homme de 50 ans, elle en a 17, en tant que seconde épouse. Un mariage dont elle ne veut pas, elle qui a fait des études, qui rêve de devenir pharmacienne et qui aime le jeune Aminou.


Safira a 35 ans. Elle est la première et jusqu’à ce jour unique épouse d’Issa. Elle va devoir accepter l’arrivée de son « amariya », la jeune co-épouse Ramla. Elle devient sa « daada-saaré », la première épouse de la concession avec des règles et des devoirs. Une situation qu’elle espérait n’avoir jamais à vivre pour éviter le déshonneur.


Elles parlent d'amour et on leur parle d'honneur et de dignité. Face à leurs réticences respectives, face à leurs révoltes, elles n’ont pas le choix et la seule réponse apportée par la famille, leur entourage, leurs propres mères, est « Munyal » ! Patience, sois patiente ! Car au bout du chemin, au bout de la patience, il y a le ciel...


‘’Munyal, patience mes filles ! Telle est la seule valeur du mariage et de la vie. Telle est la vraie valeur de notre religion, de nos coutumes, du pulaaku ; intégrez-la dans votre vie future. Inscrivez-la dans votre cœur, répétez la dans votre esprit ! Munyal, vous ne devrez jamais l’oublier !’’


Elles iront jusqu’aux portes de l’inacceptable du mariage forcé, du viol conjugal et de la polygamie.


Car Le livre de Djaïli Amadou Amal vient briser le tabou sur la condition des femmes en Afrique sahélienne. L'auteure parvient à décrire un processus « traditionnel » du mariage forcé avec beaucoup de force et de subtilité. Chantage affectif intense, règles à suivre pour ne pas être rejetée de la communauté, tout est bon pour faire accepter le mariage décidé par le père et la famille. Sans parler de la nuit de noces d’une jeune femme qui doit se donner à un homme qu’elle ne connait pas, qu’elle n’aime pas, ni de la violence induite par la polygamie.


Les impatientes posent la question de l'identité de la femme, de sa place et de son rôle dans la société camerounaise traditionnelle musulmane, comme si tout en elle est appelé à être voilé, à ne jamais s'épanouir...


Au travers des épouvantables destins de Ramla, d'Hindou et de Safira, transparaît l'autobiographie d'une femme impressionnante de courage et de résistance qui, non seulement est parvenue à s'arracher d'un sort tout tracé, mais qui se fait aujourd'hui le porte-parole de toutes celles qui continuent à vivre un enfer silencieux.


Pascal Francois


Les Impatientes – Djaïli Amadou Amal – Éditions Emmanuelle Colas – 09/2020 – 252 pages - Première parution au Cameroun en 2017 sous le titre Munyal


(1) Lancé en octobre 2019, le Prix Orange du Livre en Afrique récompense un roman écrit en langue française par un écrivain africain et publié par une maison d’édition basée sur le continent africain. Il s’inscrit dans la mission de la Fondation Orange : faire découvrir et soutenir de nouveaux auteurs, favoriser la connaissance, l’éducation des filles et des garçons dans tous les pays où Orange est présent, réduire les inégalités en démocratisant l’accès à la culture, à l’éducation et aux formations notamment numériques.


209 vues0 commentaire
bottom of page