Éliette Abeccassis est née dans une famille strasbourgeoise d’intellectuels juifs.
Hypokhâgne, Khâgne, Normale Sup, agrégée de Philosophie, professeur de Philosophie à l’Université de Caen, c’est une Femme de Lettres, romancière, scénariste, réalisatrice, reconnue pour son œuvre romanesque en grande partie consacrée à l’univers du Judaïsme.
« Sépharade », publié en 2009, est un roman sur l’identité, non pas celle de l’état civil, mais celle des racines qui constitue l’essence de nos origines.
Ici c'est l’identité séfarade (1) avec toute son histoire et sa complexité.
« Nous avons tous des identités multiples. Nous venons tous d’un pays, d’une ville, ou d’une rue qui nous définit et nous marque à jamais. Nous sommes issus d’une culture ancestrale qui nous emprisonne autant qu’elle nous féconde »
Ces premières lignes donnent le ton du poids et de la force des origines, qui sera le nœud gordien du roman.
Esther, jeune femme trentenaire, dynamique, citadine va se marier avec son amour de jeunesse. Mais Esther est aussi perdue avec ses origines et ne sait pas où aller. Une femme moderne qui ne veut pas lâcher les traditions dans lesquelles elle baigne depuis toujours mais qui veut vivre dans ce monde moderne qui délaisse de plus en plus ces dites traditions
Alors, la veille de son mariage où tout devrait être merveilleux, tout va partir en vrille… Et on assiste impuissant à ses mésaventures en se demandant jusqu'où ira sa quête d’elle-même. Que vont devenir Esther et Charles, deux personnages attendrissants, que l'on respecte ou non leur choix.
Je n'en dirais pas plus mais je vous avouerai que l’auteure n’est pas tendre avec eux. Peut-être est-ce son côté féministe qui se dévoile ici…
A travers l'histoire mouvementée du mariage d'Esther et de Charles, Éliette Abecassis nous fait entrer dans les secrets du temps et d'une religion mal connue (on pourrait dire "cabalistique" ?), depuis l'expulsion des juifs d'Espagne en 1492 à la suite du décret d’Isabelle la Catholique, à leur dispersion à travers le monde et surtout leur imbrication intime au sein de la société marocaine, jusqu'à leur arrivée (et parfois leur retour) en terre d'Israël.
Et puis, il y a la puissance parfois étouffante des liens familiaux et des traditions, sans oublier le rôle du mauvais œil !
Ce roman est enrichissant car il nous plonge dans le passé et l'origine du Judaïsme et des grandes Familles.
« Sépharade » est un roman « addictif » car on veut connaitre le point final. Un roman passionnant car on y découvre les subtilités de la religion Juive ainsi que son cheminement parfois complexe. C’est une plongée - toujours érudite - dans l'âme séfarade, une explication des différentes façons d'envisager le monde entre deux communautés, séfarades et ashkénazes, un fil pour saisir le risque vital de la laïcisation et de l'intégration.
C’est aussi et surtout un hymne poétique et poignant au paradis perdu, à la beauté du Maroc d'avant l’alyah : Mogador, Meknès, Fès, Marrakech et la Ménara. Un pays où il faisait bon vivre quel que soit sa religion.
Il y a un mais concernant l'écriture : parfois trop de longueurs sur certains passages du passé, quelques envolées lyriques un peu vides de sens, mais l’essentiel est là, lui donnant toute sa profondeur.
J’ai aimé ce livre pour son dépaysement, sa recherche d’un temps perdu, son érudition, l’ouverture qu’il donne dans la connaissance d’une religion ! Bonne Lecture
Pascal Francois
Sépharade – Aliette Abecassis – Albin Michel 08/2009 – 464 pages
(1) : Sefarad (en hébreu ספרד) n'apparaît qu'une fois dans la Bible, dans la phrase "Les déportés de Jérusalem qui sont en Sefarad" (Abdias, 20) et désigne originellement Sardes, capitale de Lydie en Asie Mineure sur le fleuve Pactole, dont le fameux Crésus fut roi. Le sens actuel de séfarade provient de la langue hébraïque médiévale, dans laquelle séfarade désigne la péninsule ibérique, et désigne donc les juifs originaires de cette péninsule.
Dans ma liste à lire depuis longtemps celui-là !