Le roman est dans la 3ème et dernière sélection en vue du Prix Goncourt le 3 Novembre !
Avec son dernier roman Le voyage dans l'Est, Christine Angot poursuit l'écriture de son traumatisme originel.
Un sujet qu'elle avait déjà évoqué dans 3 autres livres : L'Inceste, Une semaine de vacances et Un amour impossible.
Mais ici, le témoignage se transforme en voyage dans le passé, une recherche plus précise de la chronologie des actes subis, avec le vain espoir d'y trouver une quelconque explication.
Le livre nous ramène donc à son adolescence à Reims, ponctuée de virées à Grenoble, Le Touquet, Strasbourg, Nice ou Paris. Ce livre est l'occasion d'une nouvelle rencontre avec son père, père absent longtemps dans sa vie, père qui est aussi à l'origine de ses maux. Et de ses mots depuis qu'elle écrit !
Christine adolescente, c’est le complexe social et intellectuel, c’est un corps encombrant et un esprit scindé en deux, avec, d’un côté les aspirations et les espoirs d’une femme en devenir et de l’autre la dévastation et la déception d’une fille abusée.
Elle veut dire non, elle essaie d’avoir de l’autorité, mais la perversité du père l’emporte toujours. Elle veut exprimer son mal-être, elle veut se confier, mais les maladresses de la mère la font taire.
Elle raconte ses efforts pour se sortir de cette relation toxique qui la détruit et la consume. Mais, le chantage s'opère, on le sait, à partir de la soif de tendresse et de reconnaissance de la victime. La narratrice rêve d'une relation qui redeviendrait normale entre elle et son père, prête même à tout oublier ! Sauf que le prédateur utilise tout au long de son emprise ce désir jamais assouvi. Des gages sont donnés pour le combler mais ils passent toujours par le chantage à la déviance.
Dans ce livre d'autofiction, l’écrivaine s’impose une écriture lucide : « Tiens, ça m’arrive à moi, ça !? « Je peux restituer, et réciter par cœur certaines phrases. Je ne pourrais pas imiter les tons de voix, mais je les ai en mémoire. Je peux les décrire. Ce qui peut manquer, faire défaut, c’est l’historique. L’ordre. L’enchaînement des scènes. La logique de certains gestes. Tel week-end ou tel autre. C’est plus difficile à garantir. Parfois, j’y arrive. Gérardmer, la bouche. Le Touquet, le vagin. L’Isère, l’anus. La fellation, c’est venu tôt. Il n’y a pas de date. »
Le style de l'auteure est le même, toujours aiguisé au scalpel. Ce roman dévoile l'effondrement psychique mais aussi physique, social et bien sûr sentimental de la victime depuis son adolescence jusqu'à l'âge adulte.
Ce récit est celui d’une déflagration, d’une défragmentation aussi. Ce qui implique une reconstruction.
Alors oui, Christine Angot n'est pas aimée, ses propos peuvent être douteux, non fondés, mais surtout, ouvrons les yeux, c'est ce qu'elle raconte depuis quelques années qui dérange. Lisezbl'auteure, et non le personnage médiatique, découvrez sa plume incisive, et son message qui est avant tout une dénonciation de l'emprise masculine sur le corps de la femme.
Pascal François
Le voyage dans l'Est - Christine Angot - Flammarion - 08/2021 - 224 pages
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