Au moment où sa sœur, Anne Berest, publie l’un des succès littéraires de la rentrée ( La carte Postale – voir notre chronique ), Claire Berest publie aux éditions Stock, Artifices, sont huitième livre. L’auteure doit sa notoriété littéraire à ses écrits biographiques, dont l’un tout particulièrement Gabrielle, co-écrit avec sa sœur Anne, sur la vie de Gabrielle Buffet, sa grand-mère.
Ce dernier livre est un roman pur jus, une fiction. C'est même un roman qui se donne l'allure d'un polar. Des faits apparemment inexplicables s'y produisent, suscitant d'étranges réactions chez les personnages.
Avec Artifices, Claire Berest éclaire l’imbrication de performances d’art contemporain et des souvenirs traumatiques enfouis dans le passé. En abandonnant les personnages féminins aussi très proches du monde de l’art, ce roman plonge son lecteur dans une intrigue particulièrement bien menée sur fond de mal être et d’happening.
Abel Bac, flic atypique, fait un cauchemar et entend trifouiller dans la serrure de sa porte d’entrée. C’est la voisine du dessus, complétement ivre, qui s’est trompée d’étage. Gentiment, il décide de l’aider à rejoindre son appartement et l’allonge en dégageant bien sa bouche pour qu’elle ne s’étouffe pas dans son vomi ! Ne pouvant se rendormir, il sort et se fatigue en marchant dans la nuit de Paris. Suspendu depuis une semaine, il a la terrible sensation que son monde s’écroule, lui le flic intègre, méticuleux mais taciturne. Dans quelques jours, l’IGPN le convoque pour donner des explications sur cette mise à pied sous dénonciation téléphonique anonyme…
Jérôme Masson, avocat qui la suit depuis le début de sa carrière, téléphone à Mila chaque jour y compris le dimanche. Personne ne connait la véritable identité de Mila bien qu’elle fasse des performances dans le monde entier depuis vingt-ans, un peu comme un Banski en happening. Ses œuvres se vendent des millions chez Christie’s et Sotheby’s. Sa carrière a commencé en accrochant des poupées grandeur nature à l’effigie de personnes connues sur des lieux emblématiques comme celle de Jean Moulin sur les pales du Moulin Rouge !
Deux ou trois femmes entourent Abel – sont-elles deux, sont-elles trois ? – et semblent lui porter intérêt, voire plus s'il est question d'affinités. Il y a Elsa, une voisine invasive un peu foldingue, il y a Camille, une collègue, qui, à l'inverse, prend tout très au sérieux. Et puis dans l'ombre s'active une autre femme, une artiste devenue très célèbre sous le pseudonyme de Mila et dont personne ne connaît le vrai nom ni le visage. Une spécialiste du happening, dont les performances laissent des traces et suscitent des témoignages qui s'arrachent à prix d'or chez les collectionneurs d'art très contemporain.
Et justement, voilà que trois événements spectaculaires se produisent mystérieusement dans trois musées parisiens. Au ministère, on est dans ses petits souliers ; à la PJ, on enquête, tandis que la presse et le public commentent. La paternité (je devrais dire la maternité) du triptyque ne fait aucun doute, Mila la revendique dans une déclaration officielle.
Mais quel en est le sens et à qui s'adresse-t-elle ? C'est dans ces questionnements que se trouvent toute l'âme du roman.
Claire Berest donne un rythme haletant à sa narration. Son écriture est spontanée, virevoltante, les phrases sont courtes, les tournures lapidaires. Elle maîtrise tellement sa plume, qu'elle s'autorise des petits dérapages très contrôlés. Elle lâche des mots fortement expressifs, comme un peintre jetterait des touches de matière sur une toile. Les dialogues sont tranchants, la narration emprunte par moment les codes du langage parlé et cela donne envie de lire le texte à haute voix.
Une belle lecture brillante comme un feu d’artifices !
Bonne lecture !
Pascal François
Artifices – Claire Berest – Ed. Stock – 08/2021 – 308 pages
Attention Pascal, vous vous répétez au milieu du commentaire. ( une ancienne rédactrice de parutions.com)