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Frédéric LEPAGE, Portrait d'Auteur - par Eric Le Ker


Frédéric Lepage m’accueille à son domicile parisien pour un entretien centré sur ses activités littéraires et surtout, bien entendu, sur son dernier roman « Si la bête s’éveille », coup de cœur du Blog « Au plaisir de lire ». Le temps passe très vite en compagnie de Frédéric Lepage qui sait faire partager ses passions et sa boulimie de voyages et de rencontres.


APDL : Bonjour Frédéric Lepage, ravi de vous rencontrer et de faire partager ce moment à nos lecteurs

FL : Merci de l’intérêt que vous portez à mon travail, j’apprécie beaucoup votre site et pas seulement parce que vous avez dit du bien de mon dernier roman.


APDL : Vous affichez un CV impressionnant, quel est la part de l’auteur parmi ces multiples activités ?

FL : En France, être considéré comme un « touche à tout » est péjoratif, alors que pour ma part je revendique ce qualificatif tant ma vie a été riche en expériences diverses : écrivain, grand voyageur et réalisateur de documentaires, producteur d’émissions de télévision, entrepreneur et consultant spécialiste de la Chine et de l’Asie…Ceci dit, ces dernières années, et vraisemblablement les prochaines, ont été consacrées à l’écriture, pandémie et impossibilité de voyager oblige.


APDL : Arrivez-vous à situer l’impulsion d’origine qui vous a donné envie d’écrire ?

FL : Cela a commencé très jeune lorsque j’étais lycéen à Bordeaux. J’ai commencé à écrire par ennui, en m’inspirant de ce qui m’entourait : l’architecture néo-classique, un livre sur la gémellité (qui a connu un beau succès universitaire international) puis une rencontre qui a compté, celle de Robert Laffont. Il m’a conseillé de me tourner vers le roman. J’ai alors trouvé mon style de prédilection et commencé à écrire des thrillers : j’aime l’association entre une forte tension dramatique et un arrière-plan véridique. Mes premiers ouvrages ont été publiés dans les années 80 dans la prestigieuse collection « Best-Sellers » de Laffont et vendus dans le monde entier.


APDL : Comment au fil des années a évolué votre rapport à la littérature ?

FL : Bien entendu mes activités de réalisateur et producteur ont durant de nombreuses années pris le pas sur mon activité d’écrivain. Mais c’est par le livre que je suis entré à la télévision : j‘ai été reçu par Yves Mourousi pour parler de mes romans, et une des émissions les plus célèbres que j’ai produites est le magazine littéraire « Ex-libris ». Une autre anecdote amusante : durant la campagne présidentielle de 95, mon livre gastronomique « A table avec Chirac » était régulièrement montré à l’écran dans « Les guignols de l’info ».


APDL : En vous penchant sur ces multiples casquettes, y voyez-vous un fil conducteur ?

FL : Figurez-vous que j’y ai réfléchi, et je crois avoir trouvé ce qui unit l’ensemble : je n’ai finalement jamais fait qu’une chose, c’est raconter des histoires. Si possible en y apportant de l’émotion. Que je produise le « Disney Club », l’émission « Les violons de l’espoir » ou que je rédige « Bonjour China » un guide touristique de la France pour les visiteurs chinois, mon objectif est toujours le même. Mais je mets également mes multiples expériences au service de mon activité d’écrivain : mes voyages m’ont directement inspiré la série des Micah, romans pour enfants qui se déroulent dans un camp d’éléphants en Thaïlande.



APDL : Votre dernier roman « Si la bête s’éveille » (voir sur le site APDL la chronique du datée du 29 Novembre 2021) s’éloigne précisément des tropiques, pour s’installer dans la jungle urbaine de New-York. Pourquoi ce choix ?

FL : New-York a une dimension universelle, je m’y sens chez moi ; et son grand avantage est que malgré son immensité, on ne s’y perd jamais. Mes deux prochains romans s’y dérouleront également. J’aime les grandes villes et la foule, cela m’aide à réfléchir et à bâtir mes intrigues. Ne dit-on pas d’ailleurs que les religions naissent dans les déserts, les superstitions dans les campagnes, et les civilisations dans les villes ? Dans mon roman, il m’a semblé intéressant d’inscrire la confrontation entre l’homme et l’animal dans ce haut lieu de la civilisation occidentale. New-York sera également le cadre de mes deux prochains romans.


APDL : Ce rapport entre l’homme et l’animal est l’élément le plus marquant du roman, allez-vous poursuivre dans cette voie ?

FL : Le sujet me passionne, j’ai réalisé plusieurs centaines de documentaires sur la vie sauvage et je connais très bien ce qui se passe entre l’homme et l’animal. L’association « Helping hands » que je cite dans le livre existe d’ailleurs vraiment, et met des animaux à disposition pour aider les êtres humains à se rééduquer. L’utilisation d’animaux de compagnie pour assister les personnes en situation de handicap ne date par ailleurs pas d’aujourd’hui.

Ce qui est plus neuf, c’est « l’éthologie humaine » que je mets en avant dans mon roman : expliquer des comportements en envisageant l’être humain comme une espèce animale. Je ne souhaite cependant pas être catalogué uniquement comme spécialiste des rapports homme -animal. Mon prochain livre s’éloignera de cette thématique.


APDL : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vos projets, quand découvrira-t-on vos nouveaux ouvrages ?

FL : Je vais publier en 2022 « N’oublie pas d’avoir peur » qui est déjà bien avancé ; il repose sur une idée très originale que j’ai hâte de proposer au public. Je connais également le thème du roman suivant qui reposera sur la relation très forte entre une femme et un cheval. On retrouvera dans ces récits certains des personnages de « Si la bête s’éveille ». Je trouve généralement mes idées dans les avions, ce qui devient plus rare ces derniers temps, ou bien en marchant parmi la foule, dans le bruit. Une intrigue traverse une phase de maturation de plusieurs mois, mais dès que je m’attelle à la rédaction, tout est prêt dans ma tête jusqu’au moindre détail. Vient ensuite la phase de rédaction à proprement parler, plus laborieuse, qui va durer de 6 à 8 mois.


APDL : Bien que très à la mode, le Polar ou Thriller, tout comme la Science-Fiction, est souvent opposé à la grande littérature, supposée plus noble. Cela vous ennuie-t-il ?

FL : Je pense qu’on peut se demander quels arts sont majeurs ou mineurs, mais il n’est pas opportun de créer des catégories de cette nature au sein d’un même art. De toutes façons, j’ai toujours eu le plus grand respect pour ce qu’on appelle « le grand public ». Mon bonheur est de partager avec lui un imparfait du subjectif ou encore des mots rares. Le thriller me permet d’être en accord avec mon goût pour le contexte historique, la précision documentaire et le détail.

Puisque vous évoquez la Science-Fiction, j’ai eu l’immense honneur d’entretenir une relation amicale avec celui qui est considéré comme le second meilleur écrivain de ce genre de tous les temps : Arthur C. Clarke. Tout comme Asimov (le N°1), c’était un grand scientifique. Il m’a reçu chez lui dans son incroyable propriété au Sri Lanka. C’était un pur génie, il a écrit « 2001 Odyssée de l’espace » bien entendu, mais il aussi imaginé nombre d’inventions scientifiques, par exemple un ascenseur pour l’espace !


APDL : Une dernière question : beaucoup de nos lecteurs aimeraient devenir écrivains, quel conseil leur donneriez-vous pour se lancer ?

FL : Et bien précisément de ne pas douter et se lancer…Beaucoup des gens qui hésitent et tergiversent seraient justement ceux qui auraient le plus à offrir : pourquoi ne pas nous faire partager leur univers ?



APDL : Merci de m’avoir rappelé cet incontournable du site APDL, je vous sens impatient de répondre à notre questionnaire. Allons-y : quel est votre livre préféré ?

FL : « Les Essais » de Montaigne, avec lequel je partage des origines bordelaises et un goût immodéré pour la beauté de la langue française. En plus c’est un livre pour les paresseux : on peut y piocher au hasard et toujours trouver un trésor. Si je devais choisir un second roman, ce serait « Les mémoires d’Hadrien » pour le style de Marguerite Yourcenar.


APDL : Quel est votre auteur préféré ?

FL : Romain Gary. Ses livres sont magnifiques et sa vie incroyable, comme obtenir le prix Goncourt sous deux identités différentes. Il a le génie de la mise en scène du monde et de sa propre mise en scène dans le monde. En second je choisis Proust, mais j’adore également Flaubert et Stendhal.


APDL : Quel livre regrettez-vous de ne pas avoir lu ?

FL : Il existe au Japon, pays et civilisation que j’admire, un concept baptisé le Tsundoku. Il s’agit concrètement d’empilements de livres que l’on a achetés et pas encore lus. Le sens caché de cette pile est que nous ne pouvons pas mourir avant d’en être venu à bout. Pour ma part, quoique ayant énormément voyagé, je ne me suis jamais rendu à Venise, je ne peux donc pas mourir avant de l’avoir fait.

Pour répondre à votre question, le livre que je regrette de ne pas avoir encore lu est un ouvrage d’Albert Cohen. J’ai été bouleversé par « Le livre de ma mère » du même auteur, mais je n’ai pas encore réussi à m’attaquer à « Belle du seigneur ». Cet ouvrage ressemble à un pays auquel je n’ai pas encore rendu visite.


APDL : Quel est le livre que vous recommanderiez en ce moment ?

FL : « Mon maître et mon vainqueur » de François-Henri Désérable qui est un très bel hommage à la langue. Je recommande également son ouvrage sur Romain Gary (« Un certain M. Piekelny »). En choix numéro 2, je conseille « Hervelino » de Matthieu Lindon qui évoque son amitié avec Hervé Guibert, écrivain merveilleux, lors de leur séjour commun à la Villa Médicis à Rome. Ceci me rappelle le très fort souvenir d’une émission spéciale de Ex-Libris, entièrement consacrée à Hervé Guibert peu de temps avant sa mort. Nous avons tourné en privé et sans public, et c’est un des moments de ma vie où j’ai eu le bref sentiment de servir réellement à quelque chose.


APDL : Une dernière question improvisée : quel livre, dans votre style, auriez-vous aimé avoir écrit ?

FL : « La danse du coucou » (« Dance on my grave ») de Aidan Chambers. C’est ce livre qui a été adapté par François Ozon pour son film « Eté 1985 ». Je ne sais pas pourquoi je cite ce livre, probablement car il parle de la mort qui est finalement le thème qui me fascine le plus.


APDL : Au nom de tous nos lecteurs, je vous remercie infiniment pour cet entretien passionnant. Nous attendons impatiemment la suite de votre trilogie New-Yorkaise que nous ne manquerons pas de faire partager aux lecteurs de notre Blog.


Eric Le Ker

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