1963 – L’histoire se déroule en Algérie, au sortir de la guerre d’indépendance, lorsque la nomenklatura du FLN met la main sur toutes les richesses du pays et impose sa dictature. C’est dans cette Algérie libérée du colonialisme et qui cherche à panser ses plaies, que nous faisons la connaissance, au pire moment de sa vie, de Adem Naït Gacem, instituteur.
Un jour où il rentre chez lui, il découvre une valise et sa femme, Dalal, qui termine ses préparatifs : elle lui annonce qu’elle le quitte pour un autre.
Adem s’effondre, crie, se met en colère après elle, la supplie : rien n’y fait, elle ne l’aime plus, elle en aime un autre, tout est fini entre eux, leur couple est mort. Elle part.
Il se retrouve seul dans cette maison, pleure, se plaint, n’en revient pas d’avoir été trompé ainsi ! Lui, l’homme, l’instituteur ! La situation n’est pas courante dans cette Algérie de 1963 car peu de femmes font preuve d’un tel courage. Et c’est à lui que cela arrive.
Les jours suivants voient un Adem qui reste couché, ne va plus travailler, ne se lave plus, se laisse complètement aller. Il dort le jour et dès que la nuit tombe il sort pour rejoindre le seul bar du village. Il se soûle, rentre chez lui, dort, et recommence… Un matin, il met quelques vêtements dans un sac, prend ce qui lui reste d’argent, un cahier, un livre puis il quitte ce village, à pied, sans se retourner. Commence alors une errance, la recherche d’une certaine liberté.
A ce moment-là je me suis arrêtée dans ma lecture (peu de temps car j’avais hâte de lire la suite) afin d’imaginer ce que Adem allait découvrir de son pays et de lui-même. Je me suis trompée, j’ai trop de confiance en l’humain.
Cet homme bafoué refuse toutes les contraintes le liant aux autres. Il est désagréable avec tous les humains qu’il va rencontrer, même ceux qui pourtant ne souhaitent que l’aider. Et désagréable est un faible mot en regard de son attitude. Il ne fait que se plaindre et se complaît dans cet état.
C’est ainsi qu’il voit sa liberté.
Cette errance l’amènera à vivre des situations difficiles puisqu’il sera tour à tour enfermé dans un hôpital psychiatrique puis dans une prison terrifiante. Dans le même temps, il va rencontrer des personnes qui prennent le temps de l’écouter, qui tentent de l’amadouer et qui donnent le meilleur d’elles-mêmes pour lui.
Au début de son voyage, Adem reste insensible à cette démarche, il est tout à fait odieux.
Qu’adviendra-t-il de cet homme en colère ? Le roman est presque un polar tant nous sommes tenus en haleine. Nous plongeons dans les tréfonds de l’âme humaine et n’en ressortons pas indemne.
Ce livre a été écrit par Yasmina Khadra (voir en bas de la chronique les 2 autres ouvrages de l’auteur qui ont fait l’objet d’une chronique). Si vous ne connaissez pas cet auteur, vous devez penser qu’il s’agit d’une femme. Eh bien pas du tout ! Derrière ce pseudonyme il y a Mohammed Moulessehoul.
Le choix de ses différents pseudos est dicté par la censure qui est imposée en Algérie. En 1997, il choisira définitivement le nom de Yasmina Khadra qui sont les deux prénoms de son épouse :
« Mon épouse m’a soutenu et m’a permis de surmonter toutes les épreuves qui ont jalonné ma vie. En portant ses prénoms comme des lauriers, c’est ma façon de lui rester redevable. Sans elle, j’aurais abandonné. C’est elle qui m’a donné le courage de transgresser les interdits. Lorsque je lui ai parlé de la censure militaire, elle s’est portée volontaire pour signer à ma place mes contrats d’édition et a dit cette phrase qui restera biblique pour moi : Tu m’as donné ton nom pour la vie. Je te donne le mien pour la postérité ».
Je vous conseille la lecture de « Le sel de tous les oublis » et n’hésitez pas à plonger dans l’œuvre de Yasmina Khadra qui est un poète de l’âme humaine.
Françoise Fesneau
Le sel de tous les oublis – Ed Julliard – 08/2020 – 256 pages
Autres chroniques de Yasmina Khadra sur le blog : Pour l’amour d’Elena - L’outrage fait à Sarah Ikker
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